Suspendre Son Jugement
FleetingPassé dans l’usage ordinaire des mots, et devenu polysémique,
Quand on cherche à consolider son opinion, on suspend son jugement le temps de mener l’enquête, afin de limiter l’impact de nos biais cognitifs le temps de l’enquête.
On laisse son jugement dans l’entrée de l’enquête, comme on suspend son manteau dans l’entrée d’une maison.
À la fin de l’enquête, on reprend son jugement, qu’on a fait évoluer en fonction des résultats de l’enquête (bayesian thinking).
Ce terme est aussi employé pour dire prudence épistémique, pour dire qu’on ne dit pas qu’on sait tant qu’on n’a pas confiance dans ce qu’on sait.
Mais alors, si suspendre son jugement étais un état ponctuel de prudence épistémique, qu’est ce que cela veut dire pour le reste du temps ? On serait suffisamment confiant pour ne plus faire preuve de prudence ?
Il peut aussi être compris comme une volonté de ne pas exprimer son jugement quand on ne pense pas avoir un avis pertinent.
Mais comment savoir quand son propre avis est pertinent ? Nous sommes constamment confrontés à nos biais, notamment le biais d’autocomplaisance, ou l’effet dunning-kruger. Je pense qu’il est illusoire de chercher un état de seuil des curseurs de vraisemblance à partir duquel on devrait se sentir serein à exprimer son opinion.
Je comprends qu’on veuille répondre « je suspends mon jugement » quand on nous demande notre opinion. Je préfère dire « je ne me prononce pas » et garder l’idée de suspension de jugement pour dire « je suis en train de consolider mon opinion ». En fait, comme on a maintenant un usage ordinaire de cette expression, je recommande d’éviter de l’employer si notre objectif est d’être bien compris.
De façon générale, je m’efforce de tout le temps être dans cette prudence, et je vais essayer de poser des marqueurs de modestie épistémique et accepter dire « je ne sais pas », voire accepter m’efforcer de ne pas avoir d’avis le cas échéant (éducation du système 1).
J’entends aussi parfois mentionner la suspension de jugement dans le cadre d’un entretien épistémique, où on ne veux pas biaiser la conversation avec l’interlocuteur. Cela rentre pour moi dans ce sens de mener une enquête décrit plus haut.
D’ailleurs, je peux invoquer la suspension de jugement uniquement si je suis dans un engagement d’enquête.
Si je considère que je ne suis plus en train d’enquêter, par exemple après avoir renégocié cet engagement et passé l’enquête dans la maybe list, j’accepte revêtir mon jugement, aussi naïf soit-il. Car je pense positif d’accepter décider de croire.
Notes pointant ici
- [2022-01-24 Mon] Utilisation du SAV de Leroy Merlin, le début de l’aventure
- admettre qu’on ne sait pas, tout en acceptant de prendre des décisions sans savoir
- autodéfense intellectuelle
- avoir raison pour de mauvaises raisons
- ce qui est énoncé sans preuve peut être rejeté sans preuve
- comment prendre des décisions
- décidé de croire
- est-ce que je veux faire vacciner mon fils de 6 ans contre le COVID ?
- inégalité dans les couples hétérosexuels, charge mentale et gtd (blog)
- Roderick Chisholm, 1966/1989, Theory of Knowledge, Chapter 2, Epistemic Justification
- réciproque de la substitution de questions
- William Kingdom Clifford, 1879, “The Ethics of Belief”
- zététique