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Inégalité Dans Les Couples Hétérosexuels, Charge Mentale Et Gtd

Inégalité de la charge mentale dans les couples hétérosexuels.

Sur le même thème, voir : Un gars, une fille : portrait du mâle en couple.

On m’a fait prendre connaissance de cette BD pour que je sois conscient de toute la charge mentale que ma compagne prend sur elle. À la lecture de cette BD, je suis partagé entre deux sentiments : je suis d’accord avec le message que je crois sentir se dégager, mais je trouve les exemples suffisamment caricaturaux pour qu’ils sonnent faux, et du coup déclenchent mon bullshitomètre.

Voici mon ressenti.

La BD montre des scènes où on voit d’un côté la femme, victime de l’inégalité dans le couple et de l’autre l’homme, non conscient de l’inégalité. Je vais dans ce texte exprimer l’homme et la femme de la même manière. Il s’agit d’une facilité d’argumentation et en aucun cas je ne veux suggérer que les traits que je prête à l’homme ou la femme sont intrinsèquement liés à son genre.

Voici la scène de démarrage de la BD.

Comme beaucoup d’hommes blancs cisgenre, je ne me rends pas compte faire parti d’une classe favorisée ne subissant ni discrimination de genre, ni d’ethnie. Je me sens donc particulièrement désigné par la BD, qui traite de la non prise de conscience des injonctions inégales entre les femmes et les hommes concernant la gestion du foyer. Comme beaucoup d’hommes, ma compagne m’a fait connaître cette BD et ainsi le problème décrit.

Au début, je n’ai pas compris le message de la BD. Je devais être en dissonance cognitive et malgré moi me suis attaché à réagir sur les incohérences du discours. Puis j’ai lu des articles, j’ai écouté les couilles sur la table, j’ai discuté avec des gens qui se considèrent féministes. Bref, j’ai pris du recul et je pense avoir fini par comprendre le message.

Néanmoins, je persiste à croire que cette BD contient des caricatures et des raccourcis qui écartent le lecteur du message. Je trouve que, dans sa façon de traiter le sujet, il favorise le biais de confirmation des gens déjà convaincus et la dissonance cognitive des gens à convaincre.

Je ne prétends pas ici faire mieux, et je vais probablement aussi déclencher des dissonances cognitives. Le cas échéant, je vous recommande de faire comme j’ai fais pour cette BD. De prendre du recul et de relire ce texte plus tard, pour être sûr des raisons pour lesquelles vous n’êtes pas d’accord avec moi. Car la dissonance cognitive, c’est souffrir ou s’ouvrir.

Une interprétation à peu près linéaire de la BD

Si je comprends bien, le message véhiculé est qu’il y a une inégalité entre les hommes et les femmes dans le sentiment de responsabilité vis-à-vis de la gestion du foyer. Les femmes vont se sentir responsables de beaucoup plus de tâches, quand les hommes vont se contenter de suivre passivement les ordres.

Cette responsabilité va entraîner une charge cognitive importante qui va fatiguer la femme. Cette change étant invisible, l’homme ne s’en rendra pas compte et ne considérera pas nécessaire de prendre à son compte une partie de cette charge.

Elle fournit une définition de la charge mentale comme le fait de devoir toujours penser à faire les choses.

Et explique que se travaille cognitif fatiguant et invisible est essentiellement effectué par la femme.

Un exemple donné est que l’homme va effectuer la tâche demandé, comme sortir le biberon du lave-vaisselle, sans s’occuper de faire la tâche ménagère « évidente » de ranger toute la vaisselle du lave-vaisselle qui aurait pour conséquence le rangement du biberon (la tâche initialement demandée).

La BD compare les actions réalisées si on met la femme ou l’homme dans la même situation. L’homme laissera le foyer en « mauvais » état quand la femme s’épuisera à le maintenir dans un état convenable.

Il est mis en avant que comme l’homme ne prend pas conscience du travail réalisé, l’espace rangé devient aussitôt encombré, diminuant ainsi la motivation de la femme.

La BD explique aussi que l’homme va se contenter de faire la tâche initiale, sans s’encombrer des autres qui semble en découler naturellement.

Il est suggéré que l’homme prend le choix conscient de ne pas s’impliquer dans la responsabilité du foyer.

Il est aussi indiqué qu’il s’agit d’un problème de société, issue d’une éducation sexiste.

Il est aussi indiqué qu’on répète un schéma sexiste de notre enfance.

Il faudrait donc faire attention à la façon dont nous éduquons nos enfants pour tenter d’éviter que les générations futures reproduisent ce schéma.

Il est d’ailleurs mentionné en exemple le fait que l’homme, après 11 jours de congé de paternité, laisse la femme s’occuper du foyer pour repartir travailler, et cela lui semble normal.

Il est enfin indiqué que le fait que la société nous met dans une situation où la femme est plus souvent au foyer lui permet de gagner en aisance cognitive sur les tâches associées.

Mais que penser aux tâches de foyer en parallèle de celles d’une vie de travail induit un stress cognitif intense. Ce stress et l’injonction d’aller de l’avant ne permettrait pas au couple de prendre du recul et réfléchir la répartition des tâches. Le vocabulaire guerrier employé pour avoir cette conversation semble indiquer que la déclencher nécessite en soi un effort non négligeable.

Il est avancé que ceci est la cause du phénomène que l’homme ne sait pas comment effectuer les tâches de gestion du foyer, comme nourrir les enfants ou faire la vaisselle.

Puis, la BD conclut avec une opinion sur comment gérer cette situation.

Tout d’abord, il est indiqué que l’inégalité de répartition de la charge est statistiquement mesuré en se basant sur une étude de l’insee.

On peut noter une petite incitation pour que l’homme passe outre le biais égocentrique et se remette en question s’il pense faire suffisamment de travail dans son foyer.

Il est suggéré de déléguer le travail du foyer mais un jugement négatif est associé à cette solution.

Une incitation à impliquer les homme dans le féminisme est donné.

Je suppose qu’ici, l’auteure sous-entend que les féministes sont en majorité des femmes et qu’il faudrait plus d’homme féministes, c’est à dire intéressés à instaurer une égalité femme-homme.

Il est finalement suggéré de lâcher prise par moment et accepter de revoir ses attentes à la baisse.

Mon avis sur la BD

Tout d’abord, je dois dire que je trouve très bien et important que ce genre de BD existe. Cela permet d’aider à se rendre compte d’un problème de société qui sinon resterait vague et difficile à corriger.

Cependant, je trouve que cette BD est en pratique utilisée à tort pour montrer des points caricaturaux qui ne font pas partie du message. Je vais essayer de noter ici ce qui, selon moi, est important dans ce message et ce au contraire le rend plus difficile à cerner.

Pourquoi éviter la dissonance cognitive

Je vois deux types de lecteurs de la BD. Les gens déjà convaincus qui (je pense) seront confirmés dans leur opinion. Et les gens à convaincre. Pour ces dernier, je pense que le message va remettre en question des idées déjà établis par leur éducation. Il est fort probable que cela les amène dans un état de dissonance cognitive.

Or, dans ce cas, les stratégies classiques de retour à l’état de congruence cognitive sont :

  1. dé-crédibilisant le messager. Si le messager n’a pas le valeur, le message est amoindrit.
    • donc n’importe quelle faille de raisonnement de la part du messager sera utilisé (inconsciemment) pour attaquer le messager (voir hareng rouge et ad hominem)
  2. cherchant le support social. Si d’autres pensent comme moi, j’ai peut-être raison (voir preuve sociale)
  3. niant la réalité : trivialisation
  4. trouvant une hypothèses ad-hoc permettant de revenir à un état congruent
  5. accepter l’incohérence

voir –

Il est fort probable que les gens à convaincre (comme moi) rejettent le message, voire s’appuient sur ses incohérences pour justifier leur rejet.

Je pense donc qu’il est important, si on veut bien faire passer le message, d’être particulièrement clair sur ce qu’on dénonce.

Je pense que mon discours va aussi engendrer de la dissonance cognitive, et j’en suis désolé.

Une lecture non linéaire du message de la BD

Maintenant, je vais me concentrer sur le cœur du message, avec lequel je suis d’accord.

On est constamment bombardé de stéréotypes sexistes.

qui vont faire converger les femmes vers une position de femme au foyer et les hommes vers le marché du travail

et inciter les femmes à se sentir responsables des tâches liées au foyer et les homme à s’en détacher.

Cela va même éduquer hommes et femmes à avoir des systèmes de valeurs différents, où l’un privilégiera son travail quand l’autre sera plus attentif au foyer.

L’attente sur les femmes de maintenir un état convenable du foyer leur demandera beaucoup d’effort, ce qui ne leur permet pas de la concilier avec une vie professionnelle épanouie.

Cette injonction est invisible aux yeux des hommes, qui prennent donc un rôle passif dans le foyer sans se rendre compte de la charge portée par la femme.

Il s’agit d’une situation dont on doit en premier lieu tous prendre conscience

afin de, tous ensembles, lutter pour plus égalité entre les individus.

Voilà ce qui est, pour moi, le cœur du message de la BD.

Ce qui est dit d’autre

En plus du message principale, je trouve que la BD discute de deux sujets avec maladresse. Quelqu’un en dissonance cognitive s’empressera de rebondir dessus et donc cela rend le message plus difficile à transmettre.

La charge mentale

Il est fait mention de la femme qui utilise sa charge mentale pour répondre à l’injonction sociale d’être responsable de son foyer.

Je pense qu’il y a un amalgame fait ici entre deux dimensions :

  1. l’injonction de « devoir se sentir responsable de »
  2. et l’usage de la charge mentale pour « y penser sans arrêt »

La première dimension est le problème de société mis en avant dans la BD, alors que la seconde est la technique mise en œuvre par la femme pour mener à bien ce rôle de gestionnaire de foyer.

Je pense que ces deux dimensions sont indépendantes et que le message est essentiellement lié à la première.

Pour nous en convaincre, prenons quelques minutes pour imaginer deux scénarios, l’un avec 1 mais pas 2 et l’un avec 2 mais pas 1.

Imaginons d’abord dans la BD n’utilisait pas sa charge mentale mais un système extérieur de gestion de tâches. Dans ce cas, je pense que le message serait tout autant valable et l’injustice subie serait tout autant réelle.

Puis, imaginons que l’homme fasse toutes les tâches mais que la femme décide de quand même penser à tout. Ici, on se sentirait moins enclin à défendre sa cause.

C’est pourquoi j’ai décidé de croire qu’on dénonce ici l’attente que les femmes soient responsables du foyer plutôt que le fait qu’elles utilisent leur charge mentale pour y répondre.

Ce point m’a particulièrement écarté du message, car je suis utilisateur de la méthode Getting Things Done, dont le but est justement de réduire cette charge mentale en s’assurant d’être engagé de façon adéquate. Ainsi, depuis que j’utilise cette méthode, j’ai appris qu’utiliser la charge mentale est un choix, même s’il est souvent inconscient et lié à une volonté paradoxale de ne pas perdre le contrôle.

I don’t want to write it all down because then I’ll be very out of control

[…]

what they don’t realize is that keeping it all in their head is what makes it really out of control. So there is kind of a paradoxical thing you have to step through.

https://gettingthingsdone.libsyn.com/ep-53-an-overview-of-gtd

On pourrait argumenter que le rôle donné à la femme est tellement prenant qu’il est impossible d’appliquer un système. Je comprends cet argument, mais je pense qu’il ne contredit pas le fait qu’on condamne ici la trop forte attente faite sur les femmes. On ne fait que dire que l’utilisation de charge mentale en est un symptôme.

Je pense que cette distinction entre 1 et 2 est importante à faire, car pour lutter contre cette discrimination faite aux femmes, il faut selon moi :

La femme possède LE système

Dans cette BD, on voit essentiellement des femmes menant à bien les tâches du foyer et les hommes ne s’impliquant pas. Il est suggéré qu’il suffirait que l’homme adopte LE système mis en place par la femme afin d’alléger son fardeau.

Je pense cependant que le problème est autrement plus compliqué, car il s’agit de passer du système optimisé par une personne pour elle même vers un système partagé par deux personnes. C’est un problème que je trouve particulièrement compliqué et pas réductible à juste augmenter l’implication d’un membre du couple. collaborative system vs personal system: a major difference.

Là où une grande partie du système ne quittait pas le cerveau de la femme, il faut maintenant réussir à l’externaliser afin de permettre à l’homme d’y trouver une place. C’est d’autant plus difficile qu’une grande partie du système est probablement non conscient et basé sur des évidences. Mais comme nous n’avons pas les mêmes évidences, il me semble impossible que l’homme puisse être inclut dans ce système tel quel.

Il faut donc que la femme fasse un effort non négligeable à passer d’un système personnel et optimisé pour elle à un système collaboratif. Il faut aussi bien sûr que l’homme fasse un effort non négligeable à adopter le système collaboratif.

Sans cet effort mutuel, je ne vois pas comment on peut aboutir à une situation différente de celle décrite dans la BD, où l’un possède LE système (il voit la gestalt) alors que l’autre applique docilement les ordres.

En conséquence, je trouve que la BD laisse à penser qu’il suffirait que l’homme s’implique d’avantage, quand on fait c’est selon moi tout le couple qui doit se redéfinir. Cela implique de communiquer énormément, de partager les raisons qu’on a de penser ce qu’on pense, de trouver un jeu de valeurs communes pour bien partager la charge organisationnelle, d’être clair sur ses attentes et engagements. Or, c’est un sujet qui me semble très compliqué et qui mérite qu’on lui accorde toute son attention.

De plus, cela me semble incohérent de suggérer que l’homme devrait suivre le système de la femme tout en lui demandant de s’impliquer en y pensant.

Mon opinion sur comment mettre en place un système palliant ces inégalités

Je suis très influencé par la gtd et j’ai décidé de croire qu’il s’agit d’une méthode universelle permettant de clarifier beaucoup de problèmes liés aux engagements. Ma proposition en est donc très inspirée.

Je pense que le message de la BD (que je partage) est que l’homme autant que la femme est issu de cette éducation sexiste mais qu’il est sensible à l’inégalité, pourvu qu’il arrive à la voir. En bref, j’applique ici le rasoir de Hanlon.

Je vais donc chercher à décrire ici une méthode permettant (je pense) de rendre visible ce qui jusqu’alors est invisible et supposant que cela va permettre de débloquer le problème.

Voici comment je vois une collaboration entre les deux membres du couple qui permet de rendre visible l’inégalité.

Comment investir les deux dans les tâches de couple ?

La BD cherche à dénoncer une situation et, modulo les points évoqués précédemment, y arrive très bien. Je regrette cependant qu’elle ne rebondisse pas sur des pistes pour s’améliorer.

Voici ce que je pense être une bonne façon (très inspirée de la gtd) pour aller dans la bonne direction.

Définir les horizons de focus

Premièrement, je pense qu’il est bon de remarquer que faire collaborer des individus dans un objectif commun n’est pas nouveau. On retrouve cela dans les entreprises, les associations etc.

Un exercice qui me semble est très bénéfique est de réfléchir ensemble aux horizons of commitment du couple. Il s’agit de réfléchir :

  1. Aux valeurs que le couple partage. Est-ce que le couple est plutôt sensible au pragmatisme, au luxe, à l’esthétique… ?
  2. À la vision long terme que le couple cherche à obtenir. Est-ce qu’on s’imagine avec plein d’enfant dans une grande maison de campagne ? dans un petit appartement fonctionnel sans enfants dans une grande ville ?
  3. Au buts à atteindre qui vont dans ce sens. Des prêts à contracter ? Une voiture à acheter ?
  4. Aux standards à maintenir pour réaliser les horizons du haut. Est-ce qu’on veut être sensible à la sécurité ? à la santé ? à la propreté ? au confort ?
  5. Aux projets qu’on veut réaliser pour aller dans ces directions. Doit-on acheter un lave-vaisselle ? Payer quelqu’un pour l’entretien de la voiture ?
  6. Aux actions qui ont du sens en fonction du contexte. Doit-on organiser une visite à MDA ? Mettre de l’argent sur le compte commun ?

Ici, j’ai décrit les horizons de focus classiques de la gtd. Je pense que le couple doit notamment bien être clair sur les horizons 2, 4 et 5.

Comme le dit David Allen :

Getting it all out is not getting out of the challenge. It does get rid of the risks you take. It does not make your life easy. It puts your hand on the helm and makes it a positive adventure.

https://gettingthingsdone.libsyn.com/ep-53-an-overview-of-gtd

Je pense que faire l’exercice de poser ensemble les horizon 2, 4 et 5 de chacun permettra de formuler concrètement le problème mis en avant par la BD. En effet, je m’attends à ce que l’homme présente des horizons orientées confort et pragmatisme quand la femme montrera des horizons orienté sécurité et foyer. Je pense que c’est exactement ce qui est dénoncé par la BD : notre société nous à conditionné à réfléchir à des valeurs, visions et responsabilités différentes.

Une fois que l’on a posé les horizons de focus de chacun, je pense qu’il faut définir ceux du couple. Il devrait s’agir d’un compromis entre les deux.

En fait, la BD (je trouve) laisse supposer que l’homme devrait adopter les horizons de la femme, comme ici, quand il est dit qu’il « refuse de prendre leur part de la charge mentale ».

Je pense au contraire qu’au lieu de supposer que les horizons de focus de la femme devraient être la référence, il faut définir des horizons de focus communs, pour permettre aux deux d’être impliqués.

C’est un peu suggéré ici

D’ailleurs, ici, la narratrice présente un peu du mode de pensée de la gtd. En effet, le principe de la gtd, c’est d’être clair sur ses engagement (les horizons présentés plus haut) afin de se sentir bien à l’idée de ne pas faire ce qu’on ne fait pas, ce que je vois dans « sans culpabiliser ». procrastination is not about not doing, it is about not doing and feeling crappy about that.

Insister et être patients

Je pense que formuler les raisons qu’on a de faire ce qu’on fait est une opération nécessaire, mais loin d’être facile à faire.

Tout d’abord, je pense qu’il nécessite beaucoup d’itérations. Il faut donc que le couple accepte de se remettre en question régulièrement et réécrive ces valeurs à l’aune des expériences et contradictions qui arriveront.

Par exemple, à titre personnel, il m’a fallut plusieurs années pour converger vers mon système de valeurs, et il n’est pas encore stable.

Puis, comme il s’agit de compromis sur les valeurs, il y a de fortes chances que chacun revienne inconsciemment à ses propres valeurs et néglige celles du couple. Avec toute la batterie de biais cognitifs qui nous entourent, il est fort probable que chacun n’arrive pas à en prendre conscience tout seul. Il est important, selon moi, que chacun arrive à communiquer à l’autre en quoi il ne se comporte pas en accord avec les valeurs communes. Cela soulève un autre défi de taille : comment communiquer efficacement, sans mettre l’autre en état de dissonance cognitive et en acceptant soi-même de suspendre son jugement afin de se concentrer sur un but commun (voir communication bienveillante).

Aussi, il est normal de tomber du train en marche. La méthode pour y remonter est d’accepter de tomber, puis de remonter en effectuant une weekly review, en remettant le système sur pied et repartir sur de bonnes bases. Dans un couple, chacun peut tomber et il est nécessaire que les deux soient conscients de ça (ça fait partie de la méthode après tout) et soit particulièrement tolérant. Toujours en vertu du rasoir de Hanlon, je préfère décider de croire que les deux sont de bonne foi et veulent aboutir à un système qui permet aux deux de bien vivre.

Rester sincère et intellectuellement honnête

Une fois les horizons of commitment définis et appliqués, je pense que problème d’inégalité d’attention de l’homme et de la femme mentionné dans la BD est très réduit. Cela nécessite que les deux soient sincères dans leurs actions et arrivent à passer outres les biais cognitif liés au travail en groupe, comme le biais égocentrique ou le biais d’autocomplaisance.

Ainsi, le couple pourrait se rendre compte par exemple qu’il est plus important pour le couple de passer du temps de qualité avec les enfants plutôt qu’entretenir le jardin et pourrait considérer payer un paysagiste pour faire ce travail ou lâcher prise.

En effet, une fois qu’on a les idées claires sur ses engagements, il est plus facile de les renégocier et accepter de ne pas faire ce qu’on ne sera pas capable de faire.

À titre personnel, je me rends compte que c’est l’un des aspects que j’ai eu le plus de mal à appliquer, le lâcher prise. Il est facile de vouloir trop se charger, considérer tout important et ne pas accepter de laisser tomber certaines choses qu’on s’étaient promises.

Or, prendre conscience de ce qu’on ne fait pas et l’accepter et très important pour se sentir bien à l’idée de ne pas le faire.

Comment lutter contre la charge mentale

L’autre point que la BD mentionne est la charge mentale. La gtd la décrit comme des open loop qui sont ressassées dans la tête continuellement.

Comme expliqué plus haut, je pense que le problème de la charge mentale n’est pas vraiment ce que dénonce la BD. Mais comme c’est le sujet principal de la gtd, j’essaye d’imaginer ici comment définir un système à la gtd qui éviterait de charger mentalement le couple.

Il y tout d’abord une prise de conscience à avoir : la charge mentale n’est pas une fatalité. the last thing the fish sees is the water around it.

Cela peut paraître anodin, mais ce genre prise de conscience est probablement l’un des obstacles les plus gros à l’adoption d’une méthode.

David Allen explique (dans overview of GTD) que selon lui :

The problem most people have is control is probably the biggest addiction of the human psyche. The need for control, the fear of being out of control is probably one of the human bigger fear. I think that people keeping all kinds of stuff in their head as a way to try to get control but it is a very ineffective way to do that.

Il décrit qu’il y a une forme de paradoxe entre le fait de vouloir tout garder dans la tête et le fait de vouloir avoir le contrôle.

I don’t want to write it all down because then I’ll be very out of control

[…]

what they don’t realize is that keeping it all in their head is what makes it really out of control. So there is kind of a paradoxical thing you have to step through.

https://gettingthingsdone.libsyn.com/ep-53-an-overview-of-gtd

Selon lui, il est nécessaire, pour ne plus avoir ces petites voix dans la tête, de tout sortir dans un système de confiance, qu’on revoit régulièrement pour continuer à s’assurer qu’il est pertinent.

Il rappelle que le fait que cela semble bizarre au début est tout à fait normal et qu’il faut insister pour observer une amélioration.

It is kind of like the martial arts. The initial moves feel very awkward and very unnatural and very unnecessary, until you do them a thousands times and you say there is no better, more efficient, more effective way to move.

https://gettingthingsdone.libsyn.com/ep-53-an-overview-of-gtd

Keep everything out of your head feels very unnatural and unnecessary and awkward until you start to really catch how powerful that really is. So people really have to step through those kinds of barrier of entry to doing a lot of this. Because it seems that unnecessary and it’s gonna feel awkward.

https://gettingthingsdone.libsyn.com/ep-53-an-overview-of-gtd

Il décrit un système à base de 5 étapes à réaliser indépendamment pour garder le contrôle. Voir gtd in 5 stages.

Je ne suis pas suffisamment bon en système de productivité, ni en gtd pour décrire plus en détail la méthode tout en me sentant intellectuellement honnête, mais je suis intimement persuadé qu’appliquer le principe de la gtd est une solution viable et pertinente au problème de la charge mentale.

Cependant, il s’agit d’un système personnel, dont il ne faut pas perdre l’essence en essayant de l’appliquer au couple.

Je peux imaginer plusieurs possibilités d’application de la méthode, mais je n’ai ni assez de connaissance, ni assez d’expérience pour me prononcer sur elles.

Ainsi, on peut imaginer que :

Je suis plutôt attiré par la dernière solution, car je pense qu’il ressemblera plus à ce qu’on pourra trouvé dans la littérature et il est en accord avec le paradoxe de la veste en laine. De plus, je suis convaincu par le power of habit et je pense qu’en donnant des responsabilités réparties de façon définies, cela permet plus facilement d’acquérir l’aisance cognitive et l’habitude qui mène à une charge mentale minimale.

Quelque soit la solution retenue, je rappelle qu’on cherche à définir un système collaboratif. Un des principes fondamentaux est donc la communication. Les deux partenaires vont devoir dépenser une énergie conséquente à s’assurer que son message est bien passé et à s’assurer de bien recevoir les messages de l’autre. Je précise cela pour insister sur le fait que le besoin impérieux de communication n’est en aucun cas lié à la méthode choisie, mais plutôt au problème à résoudre.

Peu importe comment on organise ses engagements, je pense qu’il est important de bien appliquer ensemble les 5 étapes de la gtd.

  1. capturer les choses qui arrivent dans sa tête dans un système commun, pour que tout le couple profite de cette prise de conscience,
  2. clarifier ensemble ce que ça veut dire,
  3. assurer que l’action associée est bien mise dans le système de l’un,
  4. voir ensemble régulièrement si le tout est conforme au horizons of commitment et si les deux partagent la même gestalt
  5. s’assurer d’être en phase sur ce sur quoi chacun s’engage

Il est nécessaire que les deux partenaires jouent le jeu. Chacun doit accepter de capturer des tâches associées à des valeurs qui ne lui sont pas propres, si elles sont dans le système commun. Cela nécessite beaucoup de lâcher prise, de suspendre son jugement en permanence et donc un effort cognitif non négligeable selon moi. Je pense sincèrement que c’est le prix à payer d’avoir un système non hiérarchique de prises de décisions.

Même si on a mis en place un système complet à base d’horizons of commitment et en appliquant les 5 étapes, l’élément clé est d’arriver à lui faire confiance. Comme il s’agit d’un système partagé, il faut réussir à faire confiance à son partenaire. En effet, pour chaque foi où on n’arrivera pas à faire confiance, on va avoir peur que la tâche ne soit pas faite et le cerveau va spontanément faire réapparaître les petites voix (open loop) associée. Il sera donc vain de mettre le système en place si on ne lui fait pas confiance.

Un problème difficile

Organiser un groupe de personnes sans mettre en place une hiérarchie est un sujet difficile, mais qui vaut la peine qu’on s’y penche.

Si on veut s’assurer que dans le couple les deux partenaires se sentent concernés et responsables de façon équivalente, je pense qu’il est nécessaire de dépenser une énergie conséquente à comprendre le problème, afin de trouver une solution pertinente.

Je pense enfin que la gtd est une sources d’inspiration très intéressante pour essayer de résoudre le problème. J’ai partagé ici les méthodes et principes, mais à chacun de décider comment il l’implante dans son foyer (don’t confuse the tool and the method).

Je pense que l’holacracie est aussi particulièrement intéressante à regarder, notamment pour le fait qu’elle s’intéresse aux rôles plutôt qu’aux individus, mais je ne connais pas assez pour avoir une opinion tranchée.

En conclusion, je pense que la BD est très bien et met bien en évidence le problème d’inégalité dans les couples. Néanmoins, je pense qu’elle est utilisée à tort pour véhiculer une caricature du problème et j’ai essayé de clarifier en quoi le problème est pour moi beaucoup plus compliqué.

J’espère en tout cas avoir réussi à partager comment, selon moi, permettre d’aller de l’avant dans un couple hétérosexuel issu d’une éducation « normalisée » sexiste.

Les points qui diluent le message

Je trouve que les points suivants n’aident pas à comprendre le message principale. Bien au contraire, ils attirent l’attention et permette à une personne en dissonance cognitive de s’appuyer dessus pour critiquer le discours.

Un message parfois caricatural

Il est fait mention du fait qu’il s’agit d’un problème de société qui cause ce qu’on trouve dans l’organisation d’un couple.

Je trouve néanmoins que les exemples sont un peu caricaturaux et se concentrent sur le laxisme apparent de l’homme. D’ailleurs, en lisant les commentaires, j’ai l’impression que cette BD est utilisé en grande partie par des femmes pour faire comprendre à leur conjoint qu’il doit changer. Or, le message est, selon moi, qu’il existe un problème de société et que, pour que le couple fonctionne, chacun doit adapter son point de vue, la femme y compris.

Il est important que l’homme trouve sa place dans la responsabilité du foyer. Il est donc important que la femme lui laisse une place.

Des conclusions classique de fonctionnement de groupe

J’ai l’impression qu’un partie de la BD montre des conséquences classiques d’un fonctionnement de groupe.

Dans les entreprises, on retrouve souvent que la personne ayant des opinions les plus affirmées se retrouve à devenir un lead malgré elle, c’est à dire que les autres vont lui demander quoi faire. On trouve aussi souvent des personnes qui commencent un projet motivées mais finissent par se laisser porter par le groupe.

Donc, les exemples d’asymétrie de prise de responsabilité, comme on peut voir ici

sont pour moi tout à fait explicable par le scénario suivant.

  1. la femme reçoit une éducation associée au foyer mais pas l’homme
  2. deux personnes se mettent en couple hétérosexuel
  3. la femme, de par son éducation, a déjà une opinion affirmée sur comment on gère un foyer -> elle devient lead malgré elle
  4. l’homme suit le leadership de la femme

C’est probablement le message de la BD, mais il m’a fallu longtemps pour le comprendre, donc je pense qu’il ne passe pas correctement.

Ainsi, là où je trouve que la BD insiste par moment sur le côté laxiste de l’homme, je pense qu’elle pourrait indiquer qu’on observe la conséquence « normale » d’un système. Ce n’est pas sur l’homme seulement qu’il faut travailler, mais bien sur l’ensemble : le comportement de l’homme, le comportement de la femme, les messages qu’ils vont passer lors de l’éducation des enfants.

Je trouve que la BD, bien qu’elle parle du comportement de l’homme et l’éducation des enfants, ne met pas assez en avant qu’il s’agit d’un problème d’ensemble à gérer avec une vision d’ensemble.

L’impression que c’est uniquement à l’homme de changer

On est dans une situation où la femme utilise un système qu’elle a progressivement optimisé pour elle. La façon dont les choses sont rangées, les routines des tâches ou même la façon de conserver les informations pertinentes sont optimisée au fil du temps par la femme et pour la femme.

L’homme ne peut pas, sans grands efforts, s’approprier ce système. Et il est fort probable qu’utiliser un système propre à l’homme aille en contradiction avec des principes du système de la femme, à moins de gros efforts de communication.

Ainsi, les deux risquent d’entrer en conflit sur ce qu’il faut faire, quand il faut le faire et comment il faut le faire.

Il est donc nécessaire aux deux membres du couple de fournir un effort non négligeable afin de les impliquer. Il est espérer que l’effort à fournir de la femme dans le système collaboratif est moindre que l’effort global à fournir dans son système personnel.

D’ailleurs, l’utilisation même de la charge mentale peut être considéré comme une forme d’optimisation. Si la femme est capable de tout garder dans sa tête, il semble cohérent qu’elle ne s’embarrasse pas d’un système extérieur. Mais une charge mentale est un outil personnel pas compatible avec un travail en équipe, où le partage d’informations est primordial.

Ainsi, je pense que la femme, entre autres choses, devra abandonner une partie de la charge mentale pour permettre à l’homme de s’investir. C’est d’autant plus difficile que la charge mentale donne un sentiment de contrôle et s’en défaire mène à un sentiment de perte de contrôle.

Le choix du système de gestion de tâches (la charge mentale)

Dans la BD, la femme opte pour utiliser la charge mentale comme système de gestion de tâches.

Il est fait l’amalgame entre le fait de « toujours devoir y penser » et le fait de « toujours y penser ». Cela n’a peut être l’air de rien, mais la première chose que le gtd m’a apprise est justement de chercher à réduire, voire éliminer la charge mentale et la déléguant à un système extérieur en lequel j’ai confiance. Il semble même qu’il existe des systèmes pour gérer les tâches de foyer. Je ne les connais pas, mais j’avais l’impression qu’ils exacerbaient cette inégalité femme/homme. J’aurais tendance à préférer conseiller la gtd.

Des seuils de prises de conscience et de saturation

La BD peut donner l’impression que la femme est la seule à avoir les prises de conscience et l’homme se laisse porter par le système.

Je pense qu’un couple classique montre une dynamique plus compliquée, où chaque partenaire va avoir un seuil de prises de conscience différents. Ainsi, à chaque instant, chaque partenaire va potentiellement penser à des tâches différentes qui lui sembleront évidentes. Par exemples, la femme peut se dire qu’il faut penser aux courses quand l’homme se dit qu’il faut penser à payer les factures.

Je pense qu’il est important d’éviter le biais égocentrique de considérer que soi-même porte toute la charge mais considérer que chacun est probablement plus sensible à des stimuli différents.

Aussi, si une tâche qui nous importe ne se réalise pas pendant un certain temps, ou si les stimuli sont trop nombreux, il me semble normal qu’un individu finisse par développer une cécité d’attention. Ainsi va se développer un sentiment de malaise que quelque chose devrait être fait mais sans réussir à trouver une action concrète. Cela peut mener selon moi à une dissonance cognitive, et à une rationalisation en ignorant le problème. Je pense que c’est comme ça qu’on peut partir d’un simple linge mal rangé un jour à une pile de linges mal rangés la semaine suivante.

Ainsi, si un membre du couple est plus influant sur ce qui doit être fait et rejette les initiatives de l’autre, il me semble attendu que l’autre finisse par se laisser porter.

Communiquer les déclencheurs mais permettre à l’autre de faire

Dans la BD, on voit que la femme, quand elle a les prises de conscience, garde cette information dans sa tête et effectue la tâche. Cela va jusqu’à la situation extrême où elle fait les tâches aussitôt qu’elle en prend conscience sans considération pour sa fatigue.

Puis, dans la situation opposée, elle trouve anormal que l’homme n’ai pas les mêmes prises de conscience.

Le maintient d’un standard se déroule toujours en au moins deux étapes : la prise de conscience et la réalisation de la tâche.

Je pense que chaque individu a des seuils de prise de conscience différents, probablement lié à un système de valeurs différent. Un aspect très intéressant d’être deux est justement qu’on a beaucoup plus de possibilités de prises de conscience. L’un peu remarqué le manque de moutarde, quand l’autre peu se rendre compte du besoin de nettoyer les vitres.

À mon avis, au lieu de constater que l’autre n’a pas les même prises de conscience que nous et le regretter implicitement, le couple devrait mettre en place un système permettant de les communiquer, afin que chacun puisse réaliser la tâche. Cela nécessite selon moi de mettre au point au préalable un système de valeurs partagées.

En bref, je pense qu’il faut bien séparer la prise de conscience et l’action. Puis, il est important de communiquer sur l’un et l’autre avec son partenaire.

Si on a la prise de conscience et on fait la tâche sans rien dire à l’autre, je trouve injuste alors de lui en vouloir.

Je pense que la BD devrait plus insister sur la différence entre « devoir y penser » et « penser à faire ». Il est important que les deux partenaires soient attentifs à la gestion du foyer (« devoir y penser ») et je pense que cela se fait en mettant à plat les area of focus. Une fois que l’un des deux y pense, il faut que les deux puissent « penser à faire ».

En d’autres termes, je pense qu’il n’est pas productif d’attendre de vérifier que l’autre y pense.

Notes pointant ici