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Aspect Multi Échelle Des Communautés Langagières Dynamiques

Fleeting

Une personne cherchant à raisonner sur des concepts utilisera ses propres codes langagiers, influencés par ses expériences : théorie causale de la référence.

Quand un ensemble de personnes tentent de communiquer entre elles, elles utilisent des règles (syntaxe, grammaire, orthographe etc). Cela forme une communauté langagière.

Les individus de ces groupes sont supposés jouer au jeu de la communication autant que possible.

Dans certaines de ces communautés langagières, on trouvera des institutions tentant de formaliser ces règles, comme l’académie française.

Chaque groupe d’individu sera influencé par les sous-groupes qui le composent, influençant les règles prescrites par les institutions qui vont à leur tour influencer les individus et les communautés langagières.

Ces communautés langagières sont donc très dynamiques et il n’aurait pas de sens de parler de leurs règles dans l’absolu.

Par exemple, je pense que donner une règle comme « en français, on dit X ou Y » est mal formulée. Je pense qu’on veut plutôt dire que « d’après mon interprétation d’une de mes communautés langagières, on dit X ou Y ». Utiliser l’institution comme argument est un sophisme d’autorité.

à propos du contrôle de l’institution

Je pense qu’il est bénéfique qu’une institution tente de faire l’état des règles qui semblent émerger de l’ensemble des groupes et individus. Je pense aussi bénéfique que l’institution tente de prescrire des usages qui tendent à maintenir une cohérence dans les usages. Je pense enfin qu’il est normal de mettre à jour l’enseignement avec ces nouvelles règles.

Cependant, même si formulés sous la forme d’ordres, les institutions n’ont pas vraiment de pouvoir sur les usages.

Quand j’entends parler des institutions, l’attitude que je perçois est souvent teintée d’un biais de confirmation. On va invoquer l’académie française pour justifier l’orthographe d’« au temps pour moi » mais rejeter sa légitimité quand il s’agit d’écrire le mot « ognon » (au lieux d’oignon). Ce dernier exemple est d’autant plus frappant que le remplacement d’« ign » par « gn » semble avoir déjà eu lieu dans plein de mots de l’usage courant (cigoigne -> cigogne, montaigne -> montagne).

temps perdu à chipoter sur l’orthographe du mot ognon

J’entends parfois dire que l’académie française ne devrait pas perdre de temps à chipoter sur des détails comme oignon. J’ai l’impression qu’il s’agit d’une erreur de raisonnement de type inversion de la charge de la preuve.

En effet, quand on trouve une faute de frappe dans un texte « je suiis allé ». On va simplement corriger la faute. On ne va pas considérer que parce que plein de gens ont recopié le texte avec la faute, qu’une forme de droit d’usage nous interdit de la corriger.

Or, c’est exactement ce qu’il semble se passer. Au lieu de considérer sobrement la correction de l’erreur, les réactions y semblent assez hostiles. Je pense que c’est cette hostilité qui implique que des gens passent du temps à en parler, pas la correction elle même.

à propos de la perte liée aux changement

J’ai souvent entendu des gens critiquer les suggestions de l’académie française comme portant atteinte à notre richesse intellectuelle, notre patrimoine linguistique, notre capacité à réfléchir etc. Pour chacun de ces arguments, on peut assez facilement trouver des exemples qui montrent qu’on n’applique pas ces grands principes en premier lieu1. Ainsi, la seul raison qu’on peut donner à leur évocation est une tentative de rationalisation.

De façon générale, on semble toujours considérer un changement comme une perte de quelque chose et il est connu que cela nous embête. Par exemple, il semble que l’écriture, l’imprimerie, l’informatique, internet ont causé bien plus de changement dans nos habitudes et ont causé le même genre de réaction. Or, par exemple, plus personne ne semble considérer l’écriture comme quelque chose de négatif parce qu’il ne nous incite plus à travailler notre mémoire.

Je pense sincèrement qu’il faut faire plus preuve de modestie épistémique quand on raisonne sur ces sujets.


  1. nous ne connaissons généralement que très peu l’étymologie des mots, même quand elle semble évidente (voir xylophone vs metallophone vs glockenspiel). Et nous donnons inconsciemment une forte légitimité aux mauvaises traductions les œuvres populaires (manchot vs pingouin). ↩︎