Assistante Maternelle Et Changement De Situation
Fleeting- [EDIT] mediating assessment protocol, cette décision aurait été plus simple à prendre, : je pense que si j’avais connu le
Contexte
Imaginons l’arrivée successive de deux enfants A et B.
Tout d’abord, A arrive, un contrat est effectué avec la nounou pour le garder, par exemple de 8h00 à 17h30.
Puis B arrive, un nouveau contrat est effectué par exemple de 8h00 à 17h30.
A entre à l’école. Comme la situation a évoluée, le contrat est changé pour refléter le nouveau besoin et A est gardé de 16h30 à 17h30 pendant l’école et de 8h30 à 17h30 pendant les vacances scolaires. Bien que cela réduise le travail de nounou, cela semble être un changement normal c’est bien accepté.
Puis, le temps passe et un jour, la nounou ne peut plus garder A de 16h30 à 17h30.
La situation de A ayant encore changé, il est normal de revoir son contrat et de proposer un avenant pour ne le garder que pendant les vacances.
Mais la situation de B change aussi, puisque B serait gardé de 16h30 à 17h30 alors que A serait avec ses parents. B pourrait vivre ça comme une injustice et il est normal de revoir sa situation. Il est donc proposé un avenant pour ne garder B que de 8h00 à 16h30.
Cependant, la nounou, ne voyant que deux contrats indépendants, ne comprend pas que la situation de B ait changé. N’acceptant pas la perte de salaire associée, elle refuse donc l’avenant.
Les parents se retrouvent dans la situation délicate de soit accepter de payer la nounou de 16h30 à 17h30 tout en récupérant B à 16h30, ou licencier nounou pour en trouver une plus adaptée à la nouvelle situation de B.
Cela me met en dissonance cognitive, car je trouve que la garde des enfants devrait pouvoir être le sujet d’un seul et unique contrat. Le fait que nounou ou les parents puisse décider un changement de situation sur A en refusant la situation de B me semble incohérente. C’est en effet la situation de la fratrie qui est à prendre en compte ici.
Les principes fondamentaux
En fait, cette situation est plus compliquée qu’il paraît.
Il y tout d’abord plusieurs principes implicites à clarifier.
- fratrie indivisible
- on ne doit pas trouver la situation où l’un des deux enfants est gardé par ses parents et pas l’autre. Cela serait vécu comme une injustice par l’enfant gardé.
- cohérence relative de contrat
- toutes choses égales par ailleurs, le contrat
doit refléter la situation. Il n’est pas cohérent de payer un service non
rendu
- mais il est accepté que la partie du contrat ne causant pas le changement
ne tolère pas une perte
- ainsi, à la suite de l’empêchement de garder A, nounou accepte de changer le contrat en conséquence
- mais quand les parents veulent changer le contrat de B, nounou refuse, car elle ressent une injustice à avoir un contrat moins avantageux à l’initiative des parents
- mais il est accepté que la partie du contrat ne causant pas le changement
ne tolère pas une perte
- aversion à la perte
- il s’agit aussi d’une situation d’aversion à la perte, où la nounou vit plus mal la diminution de son contrat que s’il s’agissait d’une nouvelle situation
- somme non nulle
- il s’agit aussi d’une situation de théorie des jeux à somme non nul, où les deux parties peuvent décider de coopérer ou de trahir, et que la combinaison trahision/coopération est plus avantageuse pour la trahison que la combinaison coopération/coopération.
- intrication des situations
- tout changement sur la situation de A implique un changement dans la situation de B. Il n’est pas raisonnable de les voir comme deux concepts indépendants, alors que selon le principe de « fratrie indivisible », changer le mode de garde de l’un doit changer le mode de garde de l’autre.
Aussi, la situation entre A et B n’est pas symétrique.
- le changement de A est légalement initié par la nounou. Elle est donc dans l’obligation de le garder ou de changer son contrat ou d’avoir une épée de Damocles au cas où elle ne garderait pas A et les parent porteraient plainte.
- le changement de B est légalement initié par les parents. nounou peut légalement être à disposition de la garde de B alors que les parent le lui laissent pas, tout en continuant à la payer.
Un précédent de « cohérence relative de contrat »
La garde de B est prévue de 8h à 17h30. Or, l’arrivée de C implique que les parents peuvent amener B chez nounou à partir de 8h30. Ce changement étant causé par un événement sur la situation des parents, ils ont considéré raisonnable de conserver le contrat à partir de 8h pour éviter de pénaliser nounou avec un changement de situation non prévu initialement.
Cela peut être vu comme une application d’un esprit d’équipe, où, au lieu de vouloir changer le contrat et/ou la nounou, les parents ont préféré trouver une solution dont l’impact sur les membre de l’équipe semble le moins injuste.
Le jeu de causes à effets
Cette conversation implique une succession de causes à effet dont certains sont subtiles.
- nounou ne peut plus garder A
- donc nounou doit changer le contrat de A
- donc A ne sera plus gardé le soir
- donc A sera avec ces parent le soir
- cela crée une situation injuste, d’après le principe de « fratrie indivisible »
- donc B ne doit pas être gardé le soir
- donc le contrat de B doit aussi être changé
nounou argument qu’elle peut garder B et qu’il serait alors injuste qu’elle change son contrat, alors que ce changement est initié par les parents, d’après le principe de « cohérence relative de contrat ».
Cela revient à découper la précédente suite logique en ignorant le concept de « fratrie indivisible ».
En effet, on peut considérer que
- nounou ne peut plus garder A
- donc nounou doit changer le contrat de A
- donc A ne sera plus gardé le soir
Et de façon indépendante que
- les parents veulent garder B le soir
- donc, en vertu du principe de « cohérence relative de contrat », ils doivent amortir le changement en ne proposant pas de contrat
Cela consiste à refuser d’admettre que le changement de situation de B est une conséquence d’une cause à l’initiative de la nounou.
La nounou peut aussi argumenter que la situation changée de A est indépendante de sa volonté et donc qu’on ne peut pas considérer qu’elle est de son initiative. Ceci n’est pas un argument recevable car nounou demande par là qu’on considère la situation du point de vue du groupe alors que le fait de considérer A et B indépendants illustre un point du vue uniquement de la nounou. En d’autres termes, nounou ne peut pas invoquer que la situation lui est extérieure sans considérer que A et B sont liés.
Mon opinion
Je pense qu’ici, si chaque partie regarde le problème de son point de vue, il n’y a que les solutions (du moins, je n’ai trouvé que celles là) suivantes :
- les parents acceptent d’amortir tout le changement, en acceptant le changement de situation de A et B sans changer le contrat de B.
- nounou et les parents amortissent ensemble le changement, acceptant de changer le contrat de A et de B
- dans le cas de 1, les parents se sentent floués d’amortir le changement de nounou et payer pour un service non rendu sans avoir rien initié
- dans le case de 2, nounou se sent flouée de devoir changer la situation de B alors qu’elle peut le garder
Je pense qu’il vaut mieux que parent et nounou voient la situation comme une équipe et cherchent celle qui semble la moins injuste.
- dans le cas de 1., les parents acceptent d’amortir la situation de A, mais aussi de B et du contrat de nounou vis à vis de B
- dans le cas de 2., les parents acceptent d’amortir la situation de A et de B alors que nounou amorti la situation du contrat vis à vis de B
Je pense sincèrement que la solution 2. est la plus juste car elle réparti mieux la perte sur les différents membres de l’équipe.
Les deux façon de voir les points de vue
En fait, il y a deux façon de considérer les points de vue de la situation,
- les parents voient la situation de leur point de vue et nounou du sien
- les parents et nounou voient la situation du point de vue de l’équipe
On peut essayer de suivre les arguments en suivant les différents points de vue
de la nounou
- un évènement extérieur survient
- nounou ne peut plus garder A le soir
- elle doit changer le contrat
- A ne sera plus gardé
Puis,
- les parents imposent de récupérer B
- ils proposent un avenant
- cela n’arrange pas nounou, elle refuse
des parents
- nounou ne peut plus garder A le soir
- elle doit changer le contrat
- cela implique que B serait seul ? -> il faut garder B aussi
- le changement vient de nounou, elle devrait accepter de changer le contrat de B
du groupe
- un évènement extérieur arrive
- nounou ne peut plus garder A
- on doit changer le contrat de A
- B serait seul ? -> il faut garder B aussi
- il faut changer le contrat de B
point de vue vs situation
Je note ici les point d’un + ou - suivant qu’il s’agisse d’un gain ou une perte par rapport à la situation nominale.
- situation 1
- nounou ne garde plus A (- parents)
- nounou garde B (- parents « fratrie indivisible »)
- situation 2
- nounou ne garde plus ni A ni B (- parents)
- nounou est payée pour le service non rendu (- parent)
- situation 3
- nounou ne garde plus ni A ni B (- parents)
- nounou n’est pas payée pour le service non rendu (- nounou)
La situation 3 est la plus neutre ici. Les parents et nounou perdent un peu chacun.
En supposant l’indépendance de A et de B
- situation pour A
- nounou ne garde plus A (- parent)
- situation de B 1
- nounou garde B (- parents « fratrie indivisible »)
- situation de B 2
- nounou ne garde pas B (+ parent « fratrie indivisible »)
- nounou est payée pour le service non rendu (- parent)
- situation de B 3
- nounou ne garde pas B (+ parent « fratrie indivisible »)
- nounou n’est pas payée pour le service non rendu (- nounou)
Ici, en considérant la situation de B indépendante de la situation de A c’est la situation 2 la plus neutres.
Donc, toute la difficulté de ce problème est de trancher si la situation de A et celle de B sont bien liées ou à considérer indépendamment.
Je considère que A et B sont liés par le principe de « fratrie indivisible » et que donc on ne peut pas considérer la situation de B sans considérer qu’elle est issue de la situation de A.
Si on considère des points de vue séparés
- avec des points de vue séparés
- dans le premier cas, si A et B sont liés, c’est l’évènement de nounou qui cause le changement, on peut donc accepter un peu plus de - côté nounou
- dans le second cas, si A et B ne sont pas liés, ce sont les parents qui initient le changement, on peut donc accepter un peu plus de - côté parents
- avec un point de vue commun
- dans le premier cas, si A et B sont liés, c’est l’évènement extérieur qui cause le changement, on doit donc essayer d’équilibrer les - et les +
- dans le second cas, si A et B ne sont pas liés, cela reste un événement extérieur, on doit donc essayer d’équilibrer les - et les +
La curieuse asymétrie de situation
En ignorant le contexte nous pouvons comparer deux situations.
Lorsque A a démarré l’école, le changement de situation a mené naturellement à un avenant de contrat, passant de 8h-17h30 à 16h30-17h30. Cela a semblé normal.
Lorsque les parents n’ont plus à faire garder B le soir, il s’agit tout autant d’un changement de situation. Il devrait naturellement s’accompagner d’un changement de contrat de 8h-17h30 à 8h-16h30.
Il est curieux que la nounou argumente son refus d’avenant par un « mais je suis toujours disponible pour garder B le soir, donc je ne vois pas de raison de changer mon contrat », alors que le même argument aurait été tout autant valable dans le cas de A : « mais je suis toujours disponible pour garder A dans la journée, donc je ne vois pas de raison de changer mon contrat ».
La stratégie du donnant donnant
NB: Je n’aime pas cette stratégie, qui mène à une situation conflictuelle. Mais comme elle semble arrivée spontanément à l’esprit des gens avec qui je discute de ce sujet, il me semble important de la noter ici.
Devant le refus de changer de contrat de B de la part de la nounou, les parents pourraient se mettre en opposition et argumenter ainsi :
- tu nous demandes de changer la situation de A
- nous voulons bien procéder à ce changement contractuellement, bien que cela nous embête. En ce sens, nous nous adaptons à un changement de ta part et tu nous es redevable
- cela nous impose un changement pour B
- nous te demandons en échange d’accepter un changement contractuellement pour B. Tu nous le dois bien, vu qu’on veut bien accepter le changement pour A.
Après cet échange, la nounou argumente que « le changement de A n’était pas de mon fait, mais causé par un événement extérieur que je ne maîtrise pas. Je suis tout autant victime que vous et je considère donc que je ne vous dois rien ».
Je trouve qu’il s’agit d’un argument falacieux, car le fait que l’événement ne soit pas issue de la volonté de la nounou ne change pas le fait que les parents acceptent de s’adapter à un changement provenant du côté de la nounou.
Les parent peuvent donc retorquer qu’ils ne signeront pas l’avenant de A sans l’avenant de B. Cela mène à une situation conflictuelle avec la nounou. Et je pense que les parents ne veulent pas que leurs enfants soient gardés par une personne avec laquelle ils sont en conflit.
Les engagements implicites
Dans le cas précédent, il y avait en fait une différence importante de situation.
Lors de la garde de A, un accord oral était passé avec la nounou afin de clarifier que le contrat serait adapté au moment où A irait à l’école. Ce changement n’était donc pas une surprise.
Le changement de situation de B, du point de vue de la nounou, était en revanche indiqué par aucun accord préalable.
Cet accord informel peut être vu comme un accord des deux parties de ne pas changer de situation autrement que celle indiquée.
Dans le cas de la garde de A, nounou a donc clairement cassé cet accord et a sollicité la tolérance des parents. Il semble raisonnable de penser que lors de la volonté de casser cet accord dans le cas de B de la part des parents, nounou soit tout autant indulgente.
De plus, il existait aussi un accord implicite indiquant que la nounou prenait la fratrie, et que la situation représentait donc le couple A, B. En effet, la nounou gardant déjà A « réservait » la place à B. Les parents, de leur côté, réservait aussi cette nounou pour B. Il semble donc dé-raisonnable d’argumenter en faveur d’une indépendance de situations entre A et B (sous prétexte qu’il s’agisse de deux contrats séparés) quand dès le départs, des actions ont été menées qui considéraient le lien entre A et B. Je pense donc qu’il est raisonnable de penser A et B comme un tout dans les relations entre la nounou et les parents. L’événement impactant la garde de A est ainsi un événement impactant la garde de A et de B.
Peut-être que les parents auraient pu être plus explicites avec la nounou pour indiquer ce lien fort entre A et B. En revanche, les actions menés indiquent que ce lien était déjà internalisé par les deux parties.
Conclusion
Il est possible d’argumenter le refus de changement de contrat de B causé par le changement de contrat de A en argumentant une indépendance de contrats. Ceci est d’ailleurs bien entendu tout à fait légal.
Néanmoins, considérant que :
- dès le départ, nounou et les parents rendaient explicites le lien entre A et de B
- un précédent avéré de prise en compte spécifique de B par rapport à sa relation avec A existe
- la suite de cause à effet est la suivante, reconnue par les parents et la nounou
- un événement changeant la situation de la nounou
- implique un changement sur la situation de A
- implique un changement sur la situation de B
Ce raisonnement me paraît en fait falacieux.
Pour traiter ce problème sans conflit, sachant que
- les situations optimales dépendant du point de vue
- du point de vue de la nounou, la situation optimale est de ne pas changer le contrat de B
- du point de vue des parents, la situation optimale est de changer le contrat de B
- on n’est pas obligé d’adopter un point de vue centré sur la nounou ou les parents.
Je considère qu’il faut en fait se placer du point de vue de l’équipe parent + nounou et trouver un compromis le moins injuste possible.
Dans ce cas, il s’agit de changer la garde de B.
Il est bon de rappeler que les actions passées allaient dans le sens effectivement d’un esprit d’équipe, les éventuelles heure supplémentaires n’étaient pas réclamées, quand le changement de situation des parents impliquant une garde à partir de 8h30 n’a pas impliqué un changement de contrat. Dans chacun de ces cas, la solution retenue était la solution qui a été jugée la moins injuste.