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Langage Vernaculaire Ou Épistémique ?

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Langage vernaculaire ou épistémique ?

Je pense qu’il existe un spectre de possibilités entre ces deux modes de langages. J’ai idée qu’on va chercher des mots suffisamment précis pour se faire comprendre et suffisamment ordinaires pour aller vite (Gricean Pragmatics). En d’autres termes, on joue au jeu de la communication. Je décris ici la distinction ordinaire vs épistémique d’une façon binaire, mais c’est pour moi une façon ordinaire (c’est à dire rapide et pratique) de parler de concepts non binaires.

Je pense que leur distinction est très similaire à Système 1 et Système2. Le premier permet d’aller vite avec des risques d’erreurs de communication non négligeables. L’autre permet d’être plus prudent et précis et réduit les risques d’erreur.

Je pense que si on veut être rationnel, on doit utiliser un langage suffisamment précis par rapport à l’objectif qu’on se fixe.

Quand on cherche à communiquer, on utilise généralement le langage ordinaire. Cela permet de très rapidement s’exprimer et c’est très utile dans la vie de tous les jours.

Néanmoins, comme Monsieur Phi le décrit dans sa vidéo sur les débats sémantiques, cela permet des ambiguïtés difficiles à déceler et favorise l’entente verbale. Dans un langage ordinaire, il y a surtout des mots qu’on utilise sans vraiment savoir les définir et c’est tout a fait souhaitable.

Si l’objectif de la discussion n’est pas épistémique, je pense que l’usage ordinaire est suffisant.

En revanche, si l’objectif de la discussion est lié au sens d’un mot, je pense qu’on doit choisir un langages cohérent avec cet objectif pour réduire ces chances d’entente verbale.

Bien sûr, ce langage est ultimement aussi décrit en langage ordinaire, mais avoir fait l’effort d’essayer d’éviter les écueils de ce dernier me semble justifier de le privilégier.

En corollaire, je considère que quiconque utilise des termes vernaculaires dans un objectif épistémique devrait accepter remettre en question son discours (la forme). Ici, l’excuse du “non mais tu vois ce que je veux dire” n’est pas valable.

utilisation ciblée du langage épistémique

Enfin, je pense que dans une communication, on mélange les deux types de langages. On doit faire le choix de se concentrer sur un langage précis à propos d’un sujet à but épistémique et laisser le reste du discours en langage ordinaire. En d’autre terme, le discours n’est pas épistémique ou vernaculaire, mais chaque atome de ce discours peut être vernaculaire ou épistémique.

Par exemple, quand on planifie un voyage, on doit être précis sur les destinations, dates, heures (fuseaux horaires), besoin de passeport etc. Mais on n’a pas besoin de savoir précisément si l’objet qu’on utilise pour écrire ce planning est un stylo ou un crayon. Dans ce cas on ne doit utiliser le langage épistémique que sur ce qui traite du voyage, l’objectif de la discussion.

Plus précisément, nos attentes sur le choix du type de langage ne sont probablement pas binaire mais plutôt continues. On s’attend à plus ou moins de rigueur épistémique sur certains points et en fonction du sujet qu’on veut traiter.

Par exemple, dans l’exemple donné https://youtu.be/ayyrtMdPyi4. Si la conversation a un objectif de définition précise des espèces, on entendra « l’HOMME tourne-t-il autour de l’ÉCUREUIL  ? ». On donnera de l’importance aux sens des mots homme et écureuil et tourner autour sera secondaire et donc son sens ordinaire conviendra, bien qu’ambiguë.

Si au contraire, comme c’est le cas dans la vidéo, c’est le sens de tourner autour qui nous importe, « l’homme TOURNE-T-IL AUTOUR de l’écureuil  ? ». Ici, les sens de homme et écureuil seront secondaire et pris dans un sens large et ambiguë, alors que tourner autour doit être précis.

Cet exemple est particulièrement bien choisi car “tourner autour” ne semble pas avoir été défini autrement que de façon ostensive. Il est normal de voir des débats sémantiques apparaître quand on se concentre dessus. Voir définition ostensive et entente verbale.

être prudent sur tous les mots

On peut suggérer d’être prudent sur tous les mots. Cela revient à être en permanence en système 2. L’énergie consommée par cette prudence n’est plus utilisable pour aller dans le fond de la conversation.

On doit reconnaître que l’outil système 1 est pratique et plutôt s’éduquer sur quand et comment basculer en système 2.

prudence sur la partie épistémique, charité sur la partie ordinaire

Si on accepte qu’on ne peut pas rester prudent sur tout le discours, on accepte implicitement qu’une partie de la discussion utilisera des raccourcis qui eux mêmes mèneront à des malentendus.

Une fois l’objectif de la discussion précisé, il convient de s’efforcer d’utiliser les raccourcis uniquement sur les mots ordinaires et de concentrer son effort de précision sur les mots dont l’ambiguïté nuirait à la conversation.

Ainsi, lorsque le partenaire prend des raccourcis, il convient de faire preuve de charité. Les débats sémantiques qu’on voudrait lancer, bien qu’intéressant par ailleurs, nuisent à l’objectif de la conversation.

En revanche, si on sent que l’interlocuteur manque de prudence sur les termes importants de la conversation, il convient de trouver une technique pour éviter l’entente verbale. Voir les usages ordinaires favorisent l’entente verbale.

En d’autres termes, on joue au jeu de la communication et on doit alors en respecter les règles implicites.

lien entre le choix du langage et les Système 1 / Système 2

J’ai l’impression qu’être prudent sur ce qu’on sait va souvent avec une prudence sur la façon dont on s’exprime.

Ainsi, quand quelqu’un emploi du langage ordinaire, je m’attends à un discours biaisé et contenant des sophismes. Si ce langage est utilisé pour traiter le sujet de notre conversation, je vais avoir tendance à me méfier d’avantage (heuristique pour déterminer ceux qui ne maîtrisent pas leur sujet).

Par exemple, lors d’une discussion avec une amie, j’ai pu entendre ceci « ma fille de 4 ans ne dors pas bien, je l’ai installée dans ma chambre, proche du sol et ça va mieux. Les familles japonaises ont compris depuis des siècles qu’on a évolué pour dormir à même le sol. ». Indépendamment du fait que la conclusion peut être vraie ou fausse, on décèle ici le biais de composition, l’appel à la tradition, appel à la nature, l’appel à l’exotisme. Ici, l’objectif semble être d’invoquer ma sympathie. Il s’agit d’une activité sociale. Les sophismes et biais repérés sont donc normaux et tout à fait acceptables.

À l’opposé, quand quelqu’un tente d’utiliser des mots adéquats, précis et fait preuve de modestie sur ce qu’il pense comprendre, je vais baisser ma garde épistémique, car je pense qu’on est d’accord sur l’objectif qu’on se donne. Je pense que c’est une erreur, et je pense que c’est une des raisons pourquoi je suis en dissonance cognitive quand j’aperçois des erreurs qui me semblent grossières dans ce contexte. Voir autorité épistémique et choix du langage.

En conclusion, je pense qu’il est raisonnable de s’attendre à plus de rigueur épistémique en fonction de l’objectif qu’on cherche à atteindre. Si le langage ou le raisonnement semblent en désaccord avec cet objectif, il est cohérent de chercher à préciser cet objectif.

Aussi, il est raisonnable de penser que dans une conversation, les usages ordinaires des uns heurtent les attentes des autres. Dans ce cas, une dispute verbale peu productive risque d’apparaître. Je conseille de continuer la conversation en cherchant des usages alternatifs qui ne sont des usages ni de l’un ni de l’autre, pour éviter une asymétrie de la dissonance cognitive. Voir usages ordinaires favorisent l’entente verbale.

Notes pointant ici